Ma découverte de Cuba en décembre 2018 – Tung BUI

Ce très beau circuit à Cuba a été motivé d’abord par le visionnage du défilé de la prestigieuse maison de couture Chanel en 2016 sur le terre-plein de la célèbre avenue Paseo del Prado, ensuite par le portrait iconique de Che Guevara réalisé par le Cubain Alberto Korda, et enfin par deux réalisations cinématographiques américaines : « Avant la nuit » de Julian Schnabel, adaptation du roman autobiographique de l’écrivain cubain Reinaldo Arenas, d’une part, et « Miami Vice » de Michael Mann, d’autre part.

Ayant initialement prévu un séjour libre à Arles, j’ai dû modifier ma demande faute de trouver une petite location dans la « Mecque des photographes » et c’est ainsi que j’ai été inscrit au circuit de Cuba.

Premier contact très embarrassant avec La Havane : mon sac contenant du whisky acheté à Paris s’est renversé brutalement sur le sol et le choc a brisé l’une des deux bouteilles. Adieu veau, vache, bouchon, cuvée, du moins la moitié, comme aurait dit le grand Ernest (Hemingway). Mon passeport a senti l’alcool pendant longtemps mais l’encre du précieux cachet de l’aéroport n’a pas été touchée (oups !).

Je ne peux relater ce circuit cubain sans évoquer notre guide, José Manuel PAZ MORALES, un homme très cultivé, connaissant non seulement, sur le bout des doigts l’histoire de son pays, mais également celle du monde socialiste, dont il est un digne représentant. Métis de père, d’origine espagnole, et de mère descendante d’anciens esclaves noirs, il porte beau ses cheveux ondulés et sa peau mate. Grâce à lui j’ai appris à aimer son pays, en dépit du manque de liberté individuelle et d’une forme de déni, propre à certains pays du bloc communiste.

Jeune femme à La Havane

A Cuba, le canon de la beauté pour les femmes c’est d’avoir la peau claire et les cheveux les moins crépus possible. Lors d’une promenade, j’ai pu photographier ici une jeune beauté souriante de La Havane au regard clair et à la blondeur inouïe.

La Havane, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1982, est située au nord-ouest du pays dont la forme allongée rappelle la silhouette d’un crocodile baigné entre le Golfe du Mexique (au nord) et la mer des Caraïbes (au sud). Fondée en 1514 sur un sol marécageux puis déplacée à son emplacement actuel en 1519 par les explorateurs espagnols, c’est une capitale qui se visite à pied pour en apprécier tout l’attrait. Il y a toujours le côté carte-postale, le Malecon, les vieilles voitures américaines aux couleurs kitchissimes, cependant ce qui m’a le plus touché c’est le charme suranné des vieilles maisons coloniales, mal entretenues faute de moyens, transpirant l’histoire mouvementée de ce pays colonisé par la couronne espagnole durant quatre siècles.

La Place de la Révolution

Une visite de la Place de la Révolution s’impose. Face au mémorial consacré à José Marti, le héros de l’indépendance cubaine, dont l’aéroport de La Havane porte le nom, je découvre enfin, sur l’immeuble de gauche, qui abrite le ministère de l’Intérieur, le portrait stylisé de Che Guevara d’après le cliché du photographe cubain Alberto Korda, accompagné du slogan attribué au héros révolutionnaire « Toujours jusqu’à la Victoire ». Celui du guérillero héroïque Camilo Cienfuegos orne l’édifice de droite, appartenant aux Télécommunications. Ayant assisté, quand nous arrivions sur la place, à la dispersion des membres du Comité central du parti communiste cubain après l’une de leurs réunions, j’ai tenté de faire la photo mais j’étais trop loin du groupe (en bas de l’image) ; il faut savoir que la place de la Révolution est plus vaste que notre place de la Concorde à Paris et que, pendant ses heures de gloire, notamment lors des discours enflammés, mais hélas interminables de Fidel Castro, elle pouvait rassembler jusqu’à un million de personnes, paraît-il (à vérifier !).

Notre arrivée à Vinales (à environ 180 km à l’ouest de La Havane) fut très joyeuse. Un comité d’accueil nous attendait : nos futurs logeurs du type Airbnb à la mode cubaine (ce dispositif a été récemment autorisé par le régime), nous accompagnaient jusque chez eux et nous installaient, selon une répartition apparemment bien rodée. J’ai découvert avec plaisir mes deux colocataires : Nathalie et Christian. Vinales est un petit village plein de charme, blotti au cœur de nombreuses exploitations agricoles. Nos logeurs font tout pour rendre notre séjour agréable. Même si mes connaissances en espagnol sont quasiment nulles il y avait toujours quelqu’un pour nous aider à communiquer en anglais et nous faire comprendre.

Après un passage par l’Orquideario, une ferme d’orchidées très agréable, le guide nous emmène visiter au bord d’un lac (un superbe plan d’eau, fabuleusement photogénique quand il n’y a pas de vent) la maison du chanteur Polo Montanez, de son vrai nom Fernando Borrego Linares, décédé prématurément dans un malheureux accident de voiture. Puis vient le moment tant attendu par les amateurs de baignade : barboter dans une espèce de piscine naturelle au bord de la rivière San Juan avant un savoureux déjeuner de spécialités cubaines.

Nous sommes repassés par La Havane avant de partir pour Cienfuegos. Le soir, à l’hôtel, le groupe a eu droit à un cours de salsa dispensé par un spécialiste de cette danse très chaloupée. Le lendemain, un moment gourmand de la visite a eu lieu au restaurant El Cheverongo dans la vieille Havane. Avant de goûter aux savoureuses spécialités cubaines, un cocktail nous a été offert dans des gobelets en terre cuite : la Canchanchara, boisson authentique de Cuba, à base de miel, de rhum, de citron et de glace pilée. Notre collègue, Denise, a réussi in extremis à inscrire au stylo-feutre, sur un coin du mur droit de cet établissement minuscule mais très propre et très chaleureux, le nom de notre groupe de voyage et la date du déjeuner, laissant une trace de notre passage.

Sur la place de San Francisco se concentrent les visiteurs du monde entier. Les touristes se prennent en photo pour avoir un souvenir de leur séjour. Mon objectif c’est voir à quoi ressemble l’intérieur de la taverne « Bodeguita del Medio » au n° 207 de la Calle Empedrado où l’écrivain américain Ernest Hemingway y prenait fidèlement son mojito. Faute de temps, nous n’avons fait que passer devant l’établissement sans nous arrêter. Idem pour le bar El Floridita, assidûment fréquenté à l’époque par le même Hemingway (son foie devait être dans un bel état !) et réputé pour ses daïquiris. Je retournerai un jour à Cuba…

Dans le film « Miami Vice », la sublime actrice chinoise Gong Li partageait, dans le décor reconstitué en studio de la Bodeguita del Medio, un mojito avec le beau gosse américain Colin Farrell. Notre guide nous a appris que la communauté chinoise fut implantée à Cuba dès le milieu du XIXe siècle en qualité de manœuvres – esclaves au même titre que les Africains – dans les champs de canne à sucre, dans la foulée de la construction des voies de chemin de fer nécessaires à la conquête de l’Ouest américain. Les Américains ayant aussi colonisé Cuba, ils avaient « exporté » les esclaves chinois vers l’île. Ces derniers, de nos jours très bien insérés dans la société cubaine, ont même participé à la Révolution, par loyauté pour l’île qui les avait adoptés.

Départ le lendemain matin pour Cienfuegos, magnifique ville coloniale fondée en 1819, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2005 et située à environ 230 km à l’est de La Havane. Un cocktail à base de rhum pour les amateurs, et sans alcool pour les autres, nous est proposé sur la superbe terrasse de l’hôtel Le Palacio Del Valle. Nous sommes ensuite allés visiter un bâtiment surprenant, le théâtre « à l’italienne » Tomas Terry, en pleine restauration, et on peut deviner quel succès il a pu avoir du temps de sa splendeur : 950 fauteuils, du marbre de Carrare, parquet taillé à la main et fresques de style classique au plafond. En attendant, entrée payante, beaucoup de poussière et de gravats…

Nous allons rouler environ 80 km vers l’est pour arriver à Trinidad. Même comité d’accueil qu’à Vinales, mais cette fois-ci mes colocataires sont : Sylvie, (qui va fêter son anniversaire), Sophie, une autre Sylvie et son compagnon Joseph. Notre logeuse est anglophone – quelle chance pour la communication – et bonne cuisinière (elle a confectionné le gâteau d’anniversaire de Sylvie – la première !). Le soir, un dîner de langoustes, avec musiciens et chanteurs cubains, est organisé non loin du port de la petite ville. A l’aller, j’ai partagé une vieille voiture américaine, presque en lambeaux, avec Patricia et Bernard, ainsi que Dominique et son compagnon Eric ; au retour, changement d’équipage : Françoise et son compagnon Olivier, Denise et son compagnon Joël. Le même « Fangio » s’était fait verbaliser pour excès de vitesse ; nous l’avions indemnisé pour compenser sa contravention (les salaires sont très bas à Cuba), tellement il nous paraissait dépité.

L’attraction principale de Trinidad, très vieille ville coloniale classée au Patrimoine de l’Unesco en 1988, ce sont les façades très colorées de ses maisons, ses ruelles pavées, sa Plaza Mayor (Grand’Place) flanquée d’un bel escalier, idéal pour s’asseoir, boire un verre ou écouter de la musique. Je me suis perdu plusieurs fois et les gens, avec leur extrême gentillesse, se sont débrouillés pour me remettre sur mon chemin.

Nous avons quitté Trinidad avec un pincement au cœur : notre logeuse anglophone nous a remis personnellement une carte postale de sa ville, accompagnée d’un message sincèrement amical et affectueux. Ah ! Comment ne pas tomber amoureux de Cuba devant tant de générosité de la part de gens qui ont si peu de moyens et qui partagent tout ce qu’ils peuvent ?

Puis vient un des moments-clés de notre circuit : la visite de Santa Clara (à environ 260 km au sud-est de La Havane), qui héberge le musée consacré à Che Guevara, de taille modeste mais chargé d’histoire. La visite s’effectue « en silence » comme au mausolée de Ho-Chi-Minh à Hanoï (capitale du Vietnam). A la sortie, le guide m’ayant posé des questions sur le monument consacré au père de l’indépendance vietnamienne, je m’en suis sorti honorablement (heureusement que je connais assez bien les endroits incontournables de mon pays natal).

Départ pour Remedios où le tour de train prévu dans le circuit a été remplacé par la visite de la ferme d’élevage de crocodiles. Les sauriens sont surtout destinés à l’exploitation de leur peau pour la maroquinerie. En attendant, ils servaient d’attraction aux touristes : c’est le moment que j’ai le moins aimé du circuit (c’est comme aller voir les éléphants aux pattes entravées en Thaïlande, ce n’était pas, à mon avis, acceptable).

Départ pour Varadero où s’achève notre circuit. Ça sent déjà le retour ! Nous avons pris possession de notre logement où notre seule préoccupation c’était de profiter de la douceur de vivre : plusieurs bars disséminés dans la propriété, l’immense salle à manger avec plusieurs types de spécialités culinaires au choix, une très vaste piscine et la mer à proximité. C’était très touchant et comique quand l’un des barmen, qui m’avait « à la bonne », me tendait, à l’heure du café, la bouteille de whisky. Je l’ai remercié très chaleureusement, en refusant son offre (c’était trop tôt pour de « l’eau d’Ecosse »). Avec Nathalie et Christian (cf. logement chez l’habitant à Vinales) nous avons effectué une promenade en vieille voiture américaine pour visiter le centre-ville de Varadero. Nathalie doit encore avoir des photos dans son smartphone.

Je remercie les amis et lecteurs de ce long texte de me faire part de leurs appréciations et, comme pour le texte marocain, j’espère vous avoir donné envie de visiter sans tarder ce très beau pays. Je crains que le système de logement chez l’habitant se développe à outrance et risque de transformer l’île en Venise, Barcelone ou Lisbonne qui expulsent ses vrais habitants de leurs logements au profit des touristes de passage.

Crédit photo : Valentine PÉDOUSSAT